Norman
Rockwell (1895-1978)
N. Rockwell est un peintre et dessinateur américain issu de New
York. Il travailla comme illustrateur durant presque 50 ans au journal « The Saturday Evening Post », puis
pendant 10 ans au magazine « Look ».
À seize ans, il illustre son premier livre, Tell me why, Stories, et commence une longue collaboration avec le
mouvement des boy-scouts des États-Unis en illustrant la revue Boys' life.
C'est à 21 ans qu'il propose sa première couverture illustrée pour
le magazine The Saturday Evening Post.
Il devient le peintre de l'Américain moyen et peu à peu son nom est identifié à
cette revue dont il réalise les plus célèbres illustrations et couvertures
jusqu'en 1960. A 30 ans il illustre les romans de Mark Twain, comme Tom Sawyer.
En 1943, il participe à l'effort de guerre en publiant l'affiche The Four Freedoms distribuée dans le monde entier.
Dans les années 1950, il est considéré comme le plus populaire des
artistes américains. Il meut à l’âge de 84 ans dans sa maison de Stockbridge,
Massachusetts.
Son style artistique :
Les dessins
de N. Rockwell sont avant tout très narratifs. Ils doivent être en parfaite
corrélation (accord) avec les textes
d’actualité qu’ils illustrent ; tous les détails ont leur
importance et leur raison d’être.
Son style se
doit d’être fidèle à la réalité et le réalisme de ses illustrations est proche
de celui de la photographie. À ce
respect du sujet s’ajoute le regard de l’artiste, ou plutôt le clin d’oeil
teinté d’humour : ses illustrations ont en effet parfois un caractère
caricatural, qui apporte de la légèreté aux actualités de l’époque. Ce réalisme
teinté d’humour est devenu la représentation emblématique d’une vision de
l’Amérique des années 30 à 60.
L’art de N. Rockwell fut marqué par le naturalisme américain du 19ème siècle. Ce courant artistique dépeint le cadre de vie et l’existence des classes moyennes de la société américaine plutôt que des scènes historiques. Il est le reflet de la vie quotidienne des Américains. Edouard Hopper (ci contre « au bureau la nuit » 1940) fut un de ses représentants. Il fut également très influencé par un illustrateur du « Saturday Evening Post » ; Joseph Christian Leyendecker (1874-1951), illustrations ci-dessous.
Le rôle de la photographie dans ses dessins :
Détail du tableau "Freedom to Worship", 1943 |
Sa technique :
N. Rockwell a expliqué son travail dans un livre : « How I make a picture ».
Il commençait par choisir ou suivre un sujet. Il en faisait
plusieurs esquisses (croquis) au
crayon. Puis, il réalisait un dessin au
fusain sur un papier aux dimensions identiques à celles de la toile finale.
Il reportait ce dessin sur la toile et commençait la peinture.
Il
peignait à l’huile ; entre chaque couche, il posait un vernis à retoucher. Ce procédé
fera hélas mal vieillir ses tableaux, les couches de vernis les faisant jaunir.
Toutes les oeuvres effectuées après 1930 étaient réalisées à partir de photos
très précises ; en voici quelques exemples trouvés après l’exposition au
Norman Rockwell Museum intitulée
Présentation
de l’oeuvre :
La peinture étudiée ici intitulée : « triple autoportrait » fut la couverture du Saturday
Evening Post du 13 février 1960.
Elle est la 308ème couverture réalisée par l’artiste pour ce
journal. A cette époque , N. Rockwell est très populaire et le Post décide de
publier en feuilletons la biographie écrite par l’illustrateur et son fils
« My Adventures as an
Illustrator ».
N. Rockwell se présente ici en train de peindre comme le fit de nombreux artistes avant lui : Poussin en 1650, Manet en 1879, ou Picasso en 1938 se représentent palette à la main. C'est un moyen pour le peintre de s'affirmer en tant que tel.
N. Rockwell se présente ici en train de peindre comme le fit de nombreux artistes avant lui : Poussin en 1650, Manet en 1879, ou Picasso en 1938 se représentent palette à la main. C'est un moyen pour le peintre de s'affirmer en tant que tel.
Description
du tableau :
Ce
tableau mesure 113,5cm x 87,5cm. C’est une huile sur toile. Il s’agit d’un
triple autoportrait de N. Rockwell.
On voit l’artiste de dos, assis sur un tabouret. Il est face à une
toile et se penche pour regarder son reflet dans un miroir situé sur une chaise
à sa gauche.
Ce miroir doré est décoré de l’aigle américain symbole des Etats-Unis. La main droite du peintre est levée, elle tient un pinceau posé sur la toile, où se dessine le portrait de l’artiste en noir et blanc. L’image dans le miroir correspond au reflet du peintre en train de se regarder (même taille, couleurs et posture). Il porte des lunettes qui dissimulent ses yeux et fume la pipe. Le portrait sur la toile, lui, n’a pas de lunettes. Il paraît plus jeune que le modèle. La pipe est droite contrairement à la “réalité”.
À la droite de la toile du peintre sont accrochées les
reproductions de quatre
autoportraits : celui de Dürer, de Rembrandt, de Picasso et de Van
Gogh. Le chevalet est surmonté d’un casque de pompier.
Détails faisant allusion à l'incendie |
Les principales couleurs utilisées sont le bleu (chemise du peintre), le blanc et le rouge (chaise et coussin du tabouret). Ce sont les couleurs du drapeau américain. La seule partie en noir et blanc du tableau et le dessin du portrait sur le canevas
Il y a 3 portraits sur cette toile. Le 1er est le dessin sur la toile du tableau, le 2ème est le peintre de dos, , le 3ème est le reflet du visage et du buste du peintre dans le miroir. (À cela s’ajoutent lea feuille des 4 croquis préparatoires de l’autoportrait épinglé à gauche de sa toile. )
Construction du tableau :
Ce tableau plutôt de format carré, présente par son sujet et par sa construction une mise en abîme. Telles des poupées russes, des carrés de plus en plus petits s’emboîtent dans le tableau : il y a d’abord le carré de l’oeuvre en elle-même, puis celui qui est formé par la toile posée sur un chevalet, dans lequel est représenté le peintre en action et le portrait qu’il commence à peindre. Enfin, il y a un 3ème carré, plus petit délimité par le bras droit du peintre, ses épaules et l’arrière de sa tête , dans lequel ne s’inscrit que le portrait en noir et blanc.
Analyse du tableau :
Comme nous
l’avons remarqué par la construction du tableau, il s’agit d’une mise en abîme
de 3 autoportraits.
La mise en abîme est un procédé artistique ou littéraire qui
consiste à enchâsser récit dans un autre récit, une scène de théâtre dans une
autre scène de théâtre, ou encore comme ici, un tableau dans un autre tableau.
Tout comme
l’avait fait Johannes Gump au 17ème
siècle, N.Rockwell propose ici au spectateur 3 représentations de lui. Par ce
tableau, le peintre nous propose
différentes représentations de la réalité.
De part sa place
centrale et sa taille, c’est le
portrait posé sur le chevalet qui attire d’abord l’oeil du spectateur.
C’est le portrait le plus important,
« officiel », celui que le peintre a signé. Il est la façon dont il veut que le spectateur
le voie. Stylisé et amélioré (rajeuni, pipe droite), ce
portrait semble dédié à la postérité. Mais il est insuffisant car encore
inachevé et sans couleurs avec un regard visible mais ailleurs. Le spectateur est donc conduit à se diriger
vers le peintre lui-même et vers son reflet dans le miroir.
Les deux
autres portraits sont moins « parfaits », plus sincères car en accord
l’un avec l’autre. L’utilisation de la couleur et le mouvement donné au corps
les rendent vivants.
Le portrait proposé dans le miroir est moins
flatteur que celui de la toile : l’artiste apparaît plus maigre, la pipe
tombante, les épaules basses, le cou exagérément long et portant des lunettes
qui cachent son regard, un portrait presque
caricatural.
N. Rockwell se représente dans ce reflet tel que lui se
voit. Il confie au
spectateur la façon dont il appréhende son physique tout en cachant son
âme : Il dissimule ses yeux derrière des lunettes vides et n’offre qu’un
reflet inverse de lui-même. Une partie de son reflet est cachée derrière son
tableau, ce qui apporte l’idée que le peintre cache sa partie la plus intime
derrière son travail. Il faudrait pouvoir percer la toile pour pouvoir
découvrir le vrai N. Rockwell.
Le portrait du peintre de dos n’est pas accessible au
spectateur et lui non plus n’est pas très flatteur pour l’artiste : À
califourchon sur le tabouret, ses jambes sont écartées. Cette posture
désinvolte ainsi que le mouvement du peintre en train de se regarder dans le
miroir donnent un caractère
instantané éphémère à ce portrait. Le peintre est à cet instant
concentré sur son travail et ne remarque pas qu’on le regarde.
Le tableau se présente ainsi au spectateur
comme une fenêtre ouverte sur un
moment intime du peintre.
CONCLUSION :
Ce procédé de
mise en abîme offre un regard complexe
(à différents niveaux) sur la
réalité.
Il permet ici
au spectateur de se rapprocher du
tableau : le spectateur est centré sur le sujet, comme s’il regardait
par une fenêtre ou dans un miroir. Il vole un moment d’intimité au peintre.
En même
temps, ces multiples représentations obligent le spectateur à prendre du recul par rapport peintre en
lui proposant trois différents portraits de l’artiste. Le peintre invite le spectateur à s’interroger sur
l’authenticité de ses représentations.
Dans
l’exécution du dessin de son autoportrait sur la toile du chevalet, il montre au spectateur qu’il ment en arrangeant ses traits. Il
propose une vision subjective de lui.
Dans le
second, il dévoile son regard personnel
sur lui-même. C’est sa vision figée et caricaturale de lui : il ne semble pas s’aimer beaucoup.
En se
représentant de dos, en train de peindre, il crée un autoportrait vivant, instantané, que l’on ne peut juger
que par ses actions. Ce portrait semble le plus objectif.
Par la
réunion de ses 3 autoportraits sur une même toile, N.Rockwell raconte son autoportrait plus qu’il ne l’expose. Il
représente à la fois son physique, son identité d’artiste américain, son métier
d’illustrateur, son caractère ironique et son aspiration à laisser une trace dans le monde, chose qu’il
a réussie.
Pour info :
L'hyperréalisme est un
courant artistique né dans les années 60 aux Etats-Unis. Ce mouvement s'inscrit
dans la continuité du pop-art et s'oppose aux mouvements d'abstraction. Les
peintres hyperréalistes montrent des scènes de la vie courante, et souhaitent
porter un regard neutre sur la réalité d'un monde capitaliste. Leur vision est
objective ils utilisent la photographie reproduite à l'identique ou agrandie
sur une toile. Pour cela, ils utilisent différentes techniques :
la
photographie peut être projetée sur la toile à l'aide d'un rétroprojecteur puis
peinte.
La
photographie peut être imprimée directement sur la toile puis peinte.
L'artiste
peut utiliser la technique de "mise au carreau".
Duane Hanson fait parti des artistes hyperréalistes
Les oeuvres
de Norman Rockwell s'inscrivent dans l'optique de ce mouvement.
à voir :
sa biographie en anglais : http://www.youtube.com/watch?v=tiL24GF3q_s
pour le voir travailler d'après photos : http://www.youtube.com/watch?v=_nDrIfMEqXM&feature=related
analyse de la construction du Triple autoportrait : http://www.youtube.com/watch?v=GfPbGNZYnDM&feature=related
à voir :
sa biographie en anglais : http://www.youtube.com/watch?v=tiL24GF3q_s
pour le voir travailler d'après photos : http://www.youtube.com/watch?v=_nDrIfMEqXM&feature=related
analyse de la construction du Triple autoportrait : http://www.youtube.com/watch?v=GfPbGNZYnDM&feature=related